Le rôle du savoir et de l’innovation autochtones dans la gestion de l’eau

Nos ancêtres sont à l’origine d’impressionnants systèmes et applications de gestion de l’eau qui leur ont permis de faire face à la rudesse du climat et à la rareté des ressources naturelles dans bien d’endroits dans le monde. Découvrez comment les anciennes civilisations appliquaient les savoirs autochtones à la gestion de l’eau, ainsi que le rôle de l’innovation et de l’entrepreneuriat dans la lutte contre la crise de l’eau qui menace toute la région MENA.

Le passé d’or

Dans la région MENA et depuis le IVe siècle av. J.-C., les civilisations les plus puissantes ont surmonté des conditions arides et semi-arides en grande partie grâce à des technologies de l’eau et une ingénierie hydraulique solides. Au XIVe siècle, les réflexions d’Ibn Khaldoun, grand sociologue et érudit né à Tunis, portent à croire que la formation de villes est un pilier des dynasties résilientes. Il cite également l’accès à l’eau douce comme une condition essentielle de la valorisation des villes et de la durabilité des civilisations.

water management in petra

Les Nabatéens

Pétra, la capitale bimillénaire du royaume nabatéen (situé au sud de la Jordanie actuelle), abrite des preuves inestimables de ces innovations autochtones. Grâce à une technologie de l’eau sophistiquée, les Nabatéens pouvaient garantir la continuité de l’approvisionnement en eau tout au long de l’année tout en atténuant les dangers des crues soudaines. Ils privilégiaient l’acquisition d’une connaissance approfondie de toutes les sources d’eau disponibles ainsi que l’adoption de techniques pour optimiser la surveillance, l’exploitation, la conservation et l’utilisation de ces ressources. Leurs réservoirs d’eau avaient une capacité de stockage équilibrée avec leur système de canalisation, et ils utilisaient des bassins de décantation afin de purifier l’eau et de la rendre potable.

Les Nabatéens avaient une connaissance approfondie de leurs atouts et de leurs contraintes, ce qui leur a permis de créer un système pour optimiser le débit d’eau tout en réduisant les fuites, favorisant ainsi une existence prospère pour de nombreuses années à venir.

Oman

L’innovation ne se réduit pas à l’ingénierie et à la science ; les marchés de l’eau et la décentralisation de la gestion des ressources en eau sont des éléments importants, que les organismes de réglementation et les associations d’utilisateurs des ressources en eau peinent à maîtriser. Le programme communautaire de gestion de l’eau d’Oman, fondé sur le droit à l’eau, sur les institutions et sur les marchés, est l’un des plus anciens au monde.

Le coût de l’eau était ajusté en fonction de l’offre et la demande. L’existence d’un droit à l’eau établi, le recours à une gestion transparente et la favorisation du commerce de l’eau ont à l’époque grandement contribué à mieux gérer l’eau d’irrigation.

L’avenir est là

Bien que le secteur de l’eau présente un potentiel d’innovation illimité, ce dernier demeure sous-exploité dans la région MENA. Les technologies de l’information, la gestion des données, l’intelligence artificielle et nombre d’autres outils donnent des occasions d’innover et de contribuer à l’élaboration de solutions de gestion de l’eau efficaces, ainsi qu’au développement socioéconomique.

Aujourd’hui, l’innovation et l’entrepreneuriat sont plus que jamais au centre des projets de développement dans la région MENA. La mise en place d’un environnement favorable aux start-ups technologiques afin d’attirer les investissements, créer de l’emploi et stimuler le développement économique est un objectif commun à toute la région. En ce qui concerne l’eau et en dépit de l’importance stratégique du secteur, il existe peu d’innovations liées à l’eau susceptibles de pénétrer le marché et de s’y faire une place, que ce soit dans la région ou dans le reste du monde.

Plus récemment, les concepts porteurs de croissance verte et de solutions climato-intelligentes ravivent l’intérêt autour des innovations en eau à vocation locale, afin d’alléger la charge économique et sociale liée à la pénurie d’eau et aux mauvais systèmes de gestion. Parallèlement, les investissements à incidence sociale gagnent en popularité, et les investisseurs actuels cherchent à investir dans des entreprises qui disposent d’un cadre ESG (environnement, social et gouvernance) solide.

Si l’on devait trouver un côté positif à la pandémie de COVID-19, ce serait d’avoir remis la production locale et l’autonomie au goût du jour. Qu’il s’agisse d’alimentation, d’énergie ou de ressources en eau, la disponibilité et l’accessibilité financière ne doivent pas être compromises. Depuis 2019, les programmes ciblant les innovations et les start-ups du secteur de la sécurité alimentaire et de l’agriculture de pointe sont en pleine expansion. Des pôles d’innovations, des compétitions, des accélérateurs et des incubateurs spéciaux ont été lancés en soutien au nexus eau-énergie-alimentation et de façon étroitement liée avec le réchauffement climatique et l’inclusion sociale.

sahara forest project

Par exemple, le pôle d’innovation régional MENA de WE4F soutient les innovateurs de solutions éprouvées qui visent les problèmes liés à l’eau ou à l’énergie au sein de la production alimentaire urbaine ou rurale, mise à l’échelle par le biais de divers outils financiers et non financiers. Alors que ces efforts prennent de l’ampleur, on assiste à l’émergence de besoins locaux, notamment la montée en compétences et la gestion des connaissances. Les jeunes diplômés disposent d’informations relativement théoriques concernant un sujet ou une spécialité précise. Cependant, la plupart de ces diplômés en ingénierie, en sciences et en commerce manquent de compétences et d’une connaissance pratiques du nexus et de l’interconnectivité qui lient l’eau, l’alimentation, l’énergie, la société et l’environnement. C’est ainsi qu’ont émergé de nombreux programmes de formation et de montée en compétences afin de combler ces lacunes et de guider la jeune génération vers l’avenir.

En Jordanie, un exemple prometteur de ces modules de montée en compétences a été lancé au travers d’un partenariat entre le projet Sahara Forest et l’Université technique Al Hussein (HTU). Ce programme de montée en compétences pour les ingénieures de l’agriculture de pointe et de la sécurité alimentaire a été expérimenté sur 30 jeunes femmes provenant de divers gouvernorats, sélectionnées à partir d’une candidature spontanée et de critères prédéfinis. Les participantes ont pu profiter d’une formation sur le terrain avec le projet Sahara Forest à Aqaba, de conférences et de séminaires techniques dispensés par des professionnels, d’un mentorat avec des femmes leaders et des discours inspirants des experts du marché.

De tels programmes devraient non seulement viser à aider les jeunes sans emploi à rejoindre le marché du travail, mais aussi à élargir leurs horizons pour qu’ils puissent créer des occasions pour eux-mêmes, pour leurs pairs et pour les populations locales. Revaloriser l’agriculture, l’eau, l’énergie et la nature, c’est l’élément déclencheur pour transformer l’avenir du travail dans la région MENA.

 

Translator: Cécile Lamhene

Cécile Lamhene est une traductrice indépendante de l’anglais vers le français. Après un master en traduction juridique, économique et technique à l’université de Lille, elle se spécialise dans le développement durable dans la région MENA et s’intéresse entre autres à l’agriculture, à l’élevage, à l’ingénierie, à l’énergie et à la gestion de l’eau.

Note: The original English version of the article is available at this link.

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About Ruba Al-Zu'bi

Ruba Al Zubi is a Sustainability Policy and Governance Advisor/Expert. She is a staunch advocate for policy-enabled action and has gained a unique experience in the areas of policy and planning, institutional development, sustainability mainstreaming into economic sectors, donor relations and research and innovation management. She recently served as Advisor to the President for Science Policy and Programme Development, Royal Scientific Society (RSS – Jordan). Prior to that, Ruba led the Scientific Research Department at Abdul Hameed Shoman Foundation, served as the first Policy Director at the Ministry of Environment, established and led several departments at the Development and Free Zones Commission, and served as the Chief Executive Officer of EDAMA Association for Energy, Water and Environment. In the nonprofit world, Al Zubi is a Plus Social Good Advisor with the United Nations Foundation and a Founding Member of Jordan Green Building Council. She is a global volunteer, mentor, speaker and blogger.

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